Comment les enfants réussissent ?

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Cet article est le N°4/52 du Défi : “52 idées à explorer pour aider vos 12-25 ans” à trouver leur voie”

comment enfants reussissent paul tough

Je viens de boucler la lecture du livre de Paul TOUGH « Comment les enfants réussissent ». L’auteur a enquêté auprès d’économistes, de psychologues, de neuroscientifiques, de pédagogues et de jeunes. Il a ainsi fait la synthèse de plusieurs témoignages, études scientifiques et expériences vécues pour tenter de répondre à ces questions: Pourquoi certains jeunes vont de l’avant et d’autres pas? Comment nos expériences d’enfant conditionnent-elles nos vies d’adulte? Qui réussit et qui échoue? Que devons-nous faire pour amener nos enfants sur la voie de la réussite?

Vaste sujet ! Du coup, je vous fais sous forme de questions/réponses un récapitulatif des conclusions que j’ai trouvées les plus intéressantes. Parce que ces pistes pourraient nous aider à conduire sur la voie de l’ épanouissement toute une génération d’enfants, celle qui fera le monde de demain.

Dois-je abreuver le cerveau de mon enfant d’une tonne de savoir le plus tôt possible pour lui donner toutes les chances de réussir?

Le livre débute sur ce sujet. La multiplication des produits éducatifs destinés aux 0-3ans envoie un message clair aux parents soucieux du développement de leur progéniture : Il faut stimuler le QI et les compétences cognitives de l’enfant dès le plus jeune âge. Psychologues et sociologues ont démontré les liens entre mauvais résultats scolaires d’enfants issus de classes défavorisées et manque de stimulation verbale et mathématique à la maison et à l’école. Donc parler, interagir avec son enfant et lui proposer des activités ludo-pédagogiques, c’est une bonne chose. baby maths

Cependant, développer les compétences cognitives n’est pas ce qui compte le plus dans son développement d’après ce qu’en disent les neuroscientifiques interrogés dans l’ouvrage. Il est encore plus essentiel d’aider nos enfants à se forger une personnalité et à nourrir des qualités comme la persévérance, la maîtrise de soi, la curiosité, la détermination et la sociabilité pour se construire une vie réussie. Mais comment fait-on? Pour être un as des mathématiques, il suffit de faire plus d’exercices…et pour booster la confiance en soi, on s’entraîne comment ?

Les pouvoirs publics ne devraient-ils pas investir en masse dans des programmes pédagogiques d’excellence pour lutter contre le décrochage scolaire?

Paul TOUGH raconte les multiples tentatives de réformes mises en place dans un lycée des quartiers pauvres de Chicago. Fort absentéisme, problèmes de disciplines chroniques, fort taux de décrochage scolaire sur fond de violence et de détresse sociale, voilà le quotidien de ces élèves. Les pouvoirs publics ont mis les moyens pour relever le niveau : création d’une académie de mathématiques et sciences avec un laboratoire sponsorisé par la NASA, changement des équipes enseignantes, renforcement du personnel de sécurité. Rien n’a amélioré le parcours des élèves puisque 50% à 75% d’entre eux abandonnaient invariablement leurs études avant la fin. Au fil des expérimentations, Elizabeth Dozier, la nouvelle directrice de l’établissement, finit par comprendre que les institutions ne pouvaient pas résoudre les problèmes scolaires de ces enfants de cette manière. Il fallait d’abord s’attaquer aux racines du mal, à savoir les problèmes psychologiques plus profonds causés par les difficultés familiales que vivaient ces adolescents au quotidien.

Que se passe-t-il dans la le corps et la tête d’un adolescent exposé à des situations stressantes régulières?

Nadine Burke Harris, un médecin pédiatre travaillant dans une clinique de San Francisco, s’est engagée à améliorer l’accès aux soins médicaux les plus basiques pour les familles les plus défavorisées. Elle essayait d’aider en vain des jeunes qui présentaient des troubles sur le plan physique et émotionnel (anxiété, déprime, troubles alimentaires, comportements suicidaires): « Je me voyais moins comme une pédiatre que comme une chirurgienne de guerre rafistolant ses patients avant de les renvoyer au front », a-t-elle conclu, impuissante.

Mais elle ne s’est pas résignée et a essayé d’approfondir ses recherches pour aider ces enfants. Elle découvre alors un article intitulé « lien entre les expériences négatives de l’enfance et la santé à l’âge adulte ou comment transformer l’or en plomb » écrit par Vincent Felitti, chef du département médecine préventive d’une mutuelle de santé. Cette étude met clairement en évidence le lien entre le nombre de traumatismes vécus dans l’enfance (dysfonctionnement familial, négligence physique et émotionnelle, abus sexuel, parent alcoolique…) et la recrudescence de maladies développées à l’âge adulte (obésité, dépression, maladies cardiaques, comportement auto-destructeur…).

adolescent sous pression
Pour aller plus loin, des neuroscientifiques ont démontré que dans ce type de situation traumatique prolongée, le système de régulation du stress (axe Hypothalamo- hypophysien-surrénalien dit HPA) est en surcharge, ce qui produit toutes sortes d’effets négatifs physiques, psychologiques et neurologiques graves et durables.

Voilà pourquoi ces enfants vivant dans un environnement stressant ont tant de mal à sortir de leur malaise. C’est un vrai défi pour eux de se concentrer, de se maîtriser et d’apprendre alors même que leur système d’autorégulation a déjà bien du mal à gérer l’anxiété, les pulsions et sentiments négatifs qui les animent.

En fait, le handicap majeur d’un jeune issu d’un milieu défavorisé reste la surcharge de stress que lui fait subir sa situation. Des chercheurs affirment qu’un jeune dans une situation de grande pauvreté mais qui présenterait une charge moins élevée de stress du fait d’un milieu familial affectivement plus sécurisant, aurait d’aussi bons résultats scolaires qu’un enfant issu d’un milieu aisé. Offrir un environnement moins stressant à l’enfant augmente ses chances de réussite.

Enfin, c’est dans la petite enfance que le cerveau et le corps sont le plus sensibles au stress. Toutefois, c’est à l’adolescence que les dommages causés peuvent conduire à des décisions qui peuvent avoir des répercussions graves sur l’avenir. Au début de l’adolescence, le système socio-émotionnel tourne à plein régime. « Il pousse le jeune à chercher des sensations et à être attentif à l’information sociale alors que le système de contrôle cognitif qui régule les pulsions, n’est pas encore arrivé à maturité » rapporte l’auteur. Et si on ajoute à cela un axe de gestion du stress débordé, imaginez le mélange explosif que cela fait !

Mais alors, que peuvent faire les parents pour aider leurs enfants à surmonter les difficultés?

Michael Meaney, neuroscientifique, a observé que les bébés rats que leurs mères léchaient et toilettaient devenaient des rats adultes plus sociables, plus téméraires et plus équilibrés que les autres. De même, Clarcy Blair, chercheur en psychologie à l’université de New York, a recensé chaque année les réactions au stress de 1200 bébés depuis l’âge de 7 mois et a étudié leur intensité en fonction du milieu de vie de l’enfant et du comportement de la mère. Il a découvert que les problèmes familiaux et l’instabilité n’avaient des influences négatives sur l’enfant que si la mère était indifférente ou insensible.

Il existe donc un remède infaillible aux conséquences délétères du stress sur la petite enfance. A l’image de ces braves mamans rats, des parents capables de nouer des liens proches protègent leurs enfants contre les effets négatifs des situations difficiles de la vie. En bref, un maternage de qualité favorise la résilience.

Pour continuer dans ce sens, dans les années 60-70, une psychanalyste a montré que des petits âgés d’un an dont les parents ont une réaction rapide et appropriée à leurs cris dans les premiers mois de la vie, sont plus courageux et autonomes que les petits dont les parents ont ignoré les cris.

Les enfants ayant eu un attachement secure dès leur plus jeune âge ont des compétences sociales et une réserve de confiance qui leur permettront de surmonter les obstacles inévitables de la vie.

Comment aider les parents en difficulté à développer un attachement secure pour aider leurs enfants à réussir ?

On sait pertinemment qu’il faut être un surhomme ou une surfemme pour arriver à créer un environnement épanouissant à nos enfants alors que l’on est embourbé dans le chômage, un divorce, la pauvreté. De même, si l’on n’a pas connu un attachement secure avec ses propres parents, quelque soit le milieu social, il peut être difficile de le faire pour ses propres enfants.attachement secure parent ado

Le livre montre qu’avec du soutien, les parents peuvent surmonter ces difficultés et apprendre à développer des liens forts et riches avec leurs enfants malgré leurs soucis. Des programmes de soutien psychologique et de soutien à la parentalité sont donnés en exemple. Plutôt que de focaliser sur l’hygiène de vie, le développement du vocabulaire, l’arrêt du tabac, des travailleurs sociaux ont fait le choix d’aider de jeunes parents à devenir les meilleurs parents possibles à travers des ateliers de gestion de conflits, de l’écoute, des formations. Les résultats ont été très encourageants sur le comportement des enfants.

Favoriser un attachement secure, c’est donner la chance à un enfant d’être plus heureux, de réussir à l’école, d’écarter la probabilité de finir en prison et d’avoir une relation positive avec ses futurs enfants.

Jack Shonkoff, directeur du Center on The Developing Child de Harvard, affirme qu’un programme efficace de soutien aux parents de foyers à bas revenus dès l’enfance serait beaucoup moins coûteux et plus efficace que l’approche qui consiste à financer plus tard des classes de remédiation.

Pourquoi forger le caractère de l’enfant est-il plus important que tout le reste?

Ceux qui réussissent dans la vie ne sont pas forcément ceux qui ont le QI le plus élevé ou ceux qui obtiennent les meilleurs résultats à l’école mais ceux qui possédent d’autres précieuses qualités comme la sociabilité, l’optimisme, ou la détermination. Ce sont ces personnes qui arrivent à convaincre les autres de les aider, à faire preuve d’empathie, à rebondir après un conflit ou à résister à l’envie de regarder un film alors qu’elles doivent réviser pour un examen crucial.

Afin d’illustrer ce propos, Paul Tough s’est penché sur le sort des enfants de parents aisés en se rendant à Riverdale. Leur sort n’est pas forcément plus enviable que celui des enfants issus des quartiers défavorisés de Chicago.

jeune seul milieu aiséL’aisance matérielle, la pression parentale, les fortes exigences de réussite et les relations pourtant distantes entretenues avec leurs parents font d’eux des enfants malheureux, anxieux et peu préparés aux obstacles que la vie leur réserve. L’auteur évoque leur sentiment de « honte et de désespoir » et précise que « les adolescents issus de milieux aisés consomment plus d’alcool, de tabac, de marijuana et de drogues dures que les adolescents de milieux pauvres. L’éducation pose problème aux deux extrémités socio-économiques ». Pour résumé, chez tous les adolescents, quelque soit la classe sociale, un faible attachement parental, combiné à un haut niveau de critique parental et à une présence adulte minimum après l’école présagent d’un avenir difficile pour l’enfant.

Ces enfants financièrement privilégiés ont un seuil de tolérance très bas à la souffrance puisque leurs parents leur évitent toutes situations inconfortables. Grâce aux filets de sécurité que leur offre leur milieu social, la vie des étudiants de Riverdale est toute tracée : diplôme, poste bien rémunéré dans une grosse boîte…et pourtant, parmi eux, rares seront ceux qui changeront le monde et qui connaîtront la réussite profonde, celle qui mobilise persévérance, patience et intelligence sociale et qui génère l’estime de soi, la fierté d’avoir gravi une montagne. Car essuyer des échecs et des refus, se relever, faire preuve de créativité lorsque l’on a peu de moyens à disposition sont des occasions de forger le caractère et de développer des compétences qui seront utiles tout au long de la vie.

Comment aider l’adolescent à trouver un sens à sa vie?

La période de l’adolescence est une période charnière où, si l’enfance a été difficile, les vieilles blessures se réveillent. La bonne nouvelle c’est que le jeune, contrairement à l’enfant, a la capacité de revisiter sa vie et de décider de s’engager sur une autre voie que celle de l’échec.

leadership perseverance

On trouve dans le livre l’histoire édifiante de Madame Spiegel, professeur de jeux d’échec, qui a réussi à amener au plus haut niveau des jeunes issus de familles à faibles revenus. Sa réussite montre que ce qui est important pour des enfants de cet âge, c’est le fait de les prendre au sérieux, de croire en leur capacité et de les mettre au défi de progresser. De même, elle met un point d’honneur à apprendre à ses joueurs à prendre du recul, à analyser leurs défaites et à les surmonter pour exceller. Voici ce qu’elle dit: « Je pense qu’il est vraiment libérateur pour les enfants de comprendre ce que signifie se passionner pour quelque chose. Ils vivent des expériences capitales dont ils se souviendront toute leur vie. Je pense que le pire est de repenser à son enfance et de se revoir vaguement assis en classe à s’ennuyer et rentrer à la maison pour regarder la télé. »

Un autre programme marquant est celui de Jeff Nelson, « Onegoal », qui se concentre sur le développement de cinq compétences : débrouillardise, résilience, ambition, professionnalisme et intégrité pour compenser les disparités de niveau scolaire au lycée. Les étudiants qui suivent ce programme étaient jusque-là en échec scolaire. Epaulés par des professeurs volontaires, ils réussissent à compenser leur retard en compétences théoriques en travaillant leur leadership, leur persévérance et leur force de caractère. Ce programme montre que les résultats obtenus dans le passé ne présagent pas forcément des résultats futurs. Le destin de ces jeunes est malléable tout comme leur intelligence et leur force de caractère, à condition de trouver le soutien adéquat et de déployer les bonnes compétences.

Pour conclure

Il était difficile de vous faire un état des lieux exhaustifs des idées développées dans ce livre tant il est riche d’exemples. Le mieux est de le lire pour vous faire votre propre opinion. Nous tous adultes devons prendre la mesure du rôle que nous jouons auprès des enfants et adolescents qui nous entourent. Nous pouvons leur montrer la voie de l’épanouissement en étant présents auprès d’eux, en les écoutant, en les réconfortant, en les soutenant positivement dans leurs projets et en apportant une aide bienveillante aux parents en difficulté qui croiseront notre chemin. C’est un cercle vertueux qui pourrait bien rendre notre société plus humaine.

N’hésitez pas à réagir dans les commentaires si cet article vous a interpellés.

A bientôt sur Learneuse.com !

Pour aller plus loin

« Comment les enfants réussissent », Paul TOUGH

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